Héritage haïtien

Cuba, terre d'accueil

Depuis la première moitié du 17ème siècle, la partie occidentale de l'île d'Hispaniola ou Hispañola ("la petite Espagne"), aujourd'hui nommée Haïti, est une colonie française du nom de Saint-Domingue. Grâce aux industries du sucre et de l'indigo, ces terres sont les plus riches et prospères des Caraïbes. Pour cela, Saint-Domingue s'appuie en masse sur une main d'œuvre issue du commerce triangulaire. Des dizaines de milliers d'Africains sont amenés comme esclaves pour faire fonctionner l'économie insulaire. En 1789, on dénombre environ 30 000 blancs pour une population de 523 803 habitants recensés.

Cette population africaine est composée de plusieurs ethnies dont des Radás (peuples Ewe-Fon du Dahomey), des Nagós (peuples Yorubas), des Ibós (de la côte du Calabar), des Congós (peuples bantous)... Les Bantous sont très prisés par les planteurs de Saint-Domingue et constituèrent, durant la seconde moitié du 18ème siècle, la source principale de nouveaux esclaves. Au sein des plantations, ces africains développent leur langue, un kreyol ou créole parsemé de termes africains et espagnols connu localement comme patuá.

Le 14 août 1791, les esclaves se révoltent après la cérémonie du Bois-Caïman. Des milliers d'habitants de la colonie n'ont d'autre solution que de s'enfuir. Ils trouvent refuge à Cuba, dans une moindre mesure en Louisiane et plus rarement en Jamaïque, à Puerto Rico ou à Trinidad, quand ils ne cherchent à pas à retourner en Afrique. Cette vague d'immigration mêlant d'anciens colons (commerçants ruinés, fonctionnaires sans emploi, artisans, administrateurs, soldats, techniciens ou patrons de plantations), des métis libres, des esclaves domestiques et plus rarement des esclaves de plantation afflue sur la côte orientale de l'île (Baracoa, Guantanamó, Santiago de Cuba) car la terre y est peu chère mais touche aussi sa partie occidentale (Pinar del Rio, La Havane, Cárdenas). On estime que 30 000 personnes ont entrepris ce voyage, avec un point culminant entre 1803 et 1804.

Cette immigration va bouleverser la physionomie de l'Oriente cubain, tant économiquement (technologie, sciences...) que culturellement (artisanat, théâtre...). En quelques années, les entrepreneurs nouvellement arrivés transforment l'arrière-pays, jusque là peu exploité, en une ceinture de plantations de café qui entoure Santiago de Cuba. De nouvelles infrastructures comme des routes, des ponts ou des aqueducs sont bâtis.

La culture du café est accompagnée par des salines côtières, des vergers et des plantations de coton, de sucre et d'indigo. Ils ont alors recours à une main d'œuvre qu'ils achètent sur le sol cubain (en général des Bantous car les Yorubas étaient achetés par les grands domaines sucriers proches de la Havane). Cet ensemble de personnes composé de natifs de France, de créoles blancs ou métissés de Saint-Domingue, de noirs libres ou esclaves domestiques ayant suivi leurs maîtres, d'esclaves haïtiens et d'esclaves achetés à Cuba ou directement venus d'Afrique qui travaillent pour ces plantations sont appelés Francés (Français). Cette dénomination sera également appliquée à leurs descendants.

L'environnement, les instruments, les musiques et les danses de cette population sont aussi qualifiés de francés. Parmi les musiques amenées à Cuba par cette première vague d'immigration, on peut citer le Vodú haïtien, la Tumba Francesa ou la Tajona. À Cuba, le patuá s'enrichit de mots espagnols.

Au cours du 19ème siècle, de nombreux esclaves s'organisent en sociétés d'entraide mutuelle et d'éducation, à l'image des cabildos. Ces institutions permettent aux esclaves de recréer leurs traditions et habitudes, en organisant par exemple des réjouissances pour les jours de grandes fêtes. D'abord pratiquées dans les plantations, les fêtes de Tumba Francesa s'organisent ensuite au sein de ces sociétés ou sosyétés.

Après la guerre d'indépendance de 1895, la nouvelle république commence avec un déficit de population car cette guerre a fait plusieurs dizaines de milliers de morts. Le 11 juillet 1906, la Ley de inmigración y colonización est mise en place par Tomás Estrada Palma pour favoriser l'entrée d'immigrés blancs dans le pays. Poussé par les grandes compagnies sucrières américaines, le gouvernement de Mario García Menocal facilite un peu plus l'immigration massive d'ouvriers des grandes Antilles grâce à une loi promulguée en août 1917. Cette deuxième vague d'immigration, liée à l'insatiable appétit de main d'œuvre des plantations sucrières cubaines, se compte en centaines de milliers d'Haïtiens (on estime 500.000 entre 1913 et 1930 dont 75.000 entre 1913 et 1921). D'abord concentrés dans les campagnes de l'Est du pays, ils gagnent ensuite les campagnes du centre de l'île. Puis, ils se dirigent vers les villes. Cette génération apporte le Gagá et renforce la présence du Vodú.

Aujourd'hui, il ne reste que très peu d'Haïtiens de ces 2 vagues migratoires. Leurs coutumes et traditions ont été plus ou moins partiellement passées à leurs descendants appelés pichones.

Une culture afro-haïtienne en danger

Grâce à ces vagues d'immigration successives venant d'Haïti, Cuba eut la chance de recevoir d'innombrables influences de son voisin. Fidèles à leur habitude, les cubains ont assimilé cette culture musicale pour créer ce que l'on appelle de nos jours le folklore haïtiano-cubain. Ce nom générique regroupe une large diversité de rythmes qui ont longtemps nourri la musique de l'Oriente.

Malheureusement, ce pan de la musique cubaine se perd peu à peu à Cuba et, n'ayant pas de visibilité internationale, est amené à tomber dans l'oubli. Seules quelques compagnies parviennent à maintenir les traditions et musiques haïtiano-cubain. Le risque de perdre ce riche patrimoine a même poussé l'UNESCO à inscrire en 2008 la Tumba Francesa sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité.

L'héritage haïtien :

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