Le Songo

Naissance du Songo

Le Songo est né dans les années 1970 au sein du groupe Los Van Van, formation originaire de la Havane créé en 1979 et dirigée depuis toujours par Juan Formell.

En effet, en 1967-1968, un orchestre commence à sonner différemment : c'est la charanga d'Elio Revé Matos, percussioniste originaire de Guantánamo et promoteur de rythmes d'Oriente. Il interprète de façon originale le Son et le Changüí, et porte aussi le savoir des percussions rituelles de la Tumba Francesa et de la Rumba. On y remarque à la guitare électrique (une hérésie si l'on se réfère à la tradition) un quasi inconnu, émule d'Elvis Presley dans son adolescence, ex-bassiste de Juan Rafael 'Juanito' Marquéz Urbino et auteur des arrangements : Juan Clímaco Formell Fortuna. Un an plus tard, l'Orquesta Revé continuera sans lui, évoluant vers le format original appelé charangón qui mêle flûte (abandonnée plus tard), violons, piano, tres, guitare basse, percussions cubaines au complet et une section de trombones.

La "modernisation" telle que l'entend Juan Formell implique une fusion. Son objectif est une formation compacte, sans soliste virtuose, efficace du point de vue du plaisir de la danse. Trop à l'étroit dans la formation d'Elio Revé, il fonde son propre groupe, Los Van Van en 1969, et ne cessera d'expérimenter depuis, tant dans l'instrumentation à partir de la charanga initiale (ajout d'une guitare basse électrique, électrification des violons, duo de flûtes, trombones, claviers, saxophone...) que dans les combinaisons entre éléments rythmiques empruntés à différents genres et pays.

Juan Formell
Juan Formell

Le Songo se caractérise au départ par une rythmique très dynamique, soutenue, dont la paternité est généralement attribuée à José Luis 'Changuito' Quintana Fuerte, timbalero et batteur de la formation Los Van Van. Ce dernier reconnaît tout de même que le rythme Songo n'est pas né du jour au lendemain. C'est plutôt le résultat d'un processus évolutif initié par Blas Egües, premier batteur de Los Van Van, qu'il a ensuite fait évoluer. Le jeu de Juan Formell à la basse et le tumbao joué au piano par César 'Pupi' Pedroso ont aussi beaucoup apporté au développement de cette dynamique rythmique. Juan Formell caractérise lui-même le Songo comme étant :

un rythme maintenu par les percussions, combiné à un tumbao au piano et suivi par une basse électrique jouée à contre-temps. Le tout générant un rythme que le danseur peut immédiatement saisir

José Luis 'Changuito' Quintana
José Luis 'Changuito' Quintana

Le Songo ne peut cependant pas se résumer à une rythmique. Il possède également des caractéristiques propres dans son orchestration. En effet, Los Van Van ont beaucoup modifié la charanga classique. Tout d'abord, il faut noter l'introduction d'un set de batterie complet qui prend la place de la paila traditionnelle, d'une basse et d'une guitare électrique, ainsi que l'orgue électrique Vermona connue sous le nom de organeta (possiblement d'origine soviétique). La section de violon et violoncelle est augmentée. Puis, une section de 3 trombones est introduite. Les chanteurs sont beaucoup plus sollicités. En faisant cela, Juan Formell "a voulu essayer d'introduire différents types d'instruments et genres musicaux qui l'avaient influencé et qui avaient marqué sa génération". Au final, ces apports changent profondément le son par rapport aux groupes ayant un format "traditionnel". La formation est un groupe hybride entre orchestre de Rock, de Jazz, de Big Band et une charanga cubaine.

Le Songo résulte du mélange du Son Montuno et de Rumba de Cuba avec des éléments nord-américains comme le Funk, le Jazz et surtout le Rock. Juan Formell décrit le Songo comme :

it's any Cuban rhythm, Son, Montuno, Changüí, whatever, then mixed with Afro-Urban American styles, Funk, Jazz, Soul, Blues, Rap, anything that jives the hips

... qui se traduit par :

ce sont tous les rythmes cubains comme le Son, le Montuno, le Changüí mélangés avec les styles américains afro-urbains comme le Funk, le Jazz, la Soul, le Blues, le Rap..., tout ce qui peut faire bouger les hanches

Le Songo est en quelque sorte le maillon entre les formes les plus modernes du Son et l'actuelle Timba dont nous parlerons plus tard.

Daniel Díz, timbalero/percussioniste du groupe Ritmo Oriental et Enrique Pla, batteur du groupe Irakere ont également beaucoup apporté dans le développement du Songo. Il a aussi très bien marché aux USA grâce à des groupes comme La Perfecta mené par Eddie Palmieri ou la Típica Novel.

Los Van Van, groupe numéro un à Cuba, reste encore actuellement la formation qui a le plus joué le Songo.

Le rythme

Le rythme du Songo a été conçu pour la batterie, ce n'est donc pas une adaptation d'un tumbao de tumbadora. Tous les rythmes suivants sont écrits en clave 2/3.

Voici le rythme initial tel que joué par Blas Egües qui s'accompagne d'une clave rumba (la main droite percute un wood-block) :

Batterie
Batterie

Voici le rythme de base du Songo, adapté ensuite par 'Changuito'. La main droite, pour les droitiers, maintient les temps 1 et 3 pendant que la main gauche remplit de manière légère entre les coups de grosse caisse qui marquent les accents du bombo, sur chaque mesure, et non sur le seul 3 de la clave comme dans la Rumba par exemple :

Songo (batterie)
Songo (batterie)

Voici une version orchestrée sur les toms :

Songo (batterie variation)
Songo (batterie variation)

Voici une autre variante :

Songo (batterie variation)
Songo (batterie variation)

Une autre exemple de variation grâce à une orchestration différente sur les toms :

Songo (batterie variation)
Songo (batterie variation)

Pour les moments calmes, la main gauche peut être déplacée sur la charleston de la manière suivante :

Songo (batterie variation)
Songo (batterie variation)

Voici une variation de 'Changuito' qui ajoute un break (ouverture de charleston) au milieu de la phrase rythmique :

Songo (batterie variation)
Songo (batterie variation)

Voici une dernière variation basée sur l'idée précédente :

Songo (batterie variation)
Songo (batterie variation)

Pour tous les rythmes précédents, la main droite peut également être jouée sur le bord du tom basse, ce qui donne un effet très agréable.

Selon 'Changuito', le premier rythme de congas crée pour accompagner celui de la batterie a été inventée par Raúl 'el Yulo' Cárdenas. Le rythme classique de congas, plus syncopé que celui du Son Montuno, est le suivant (relevé du jeu de Thomas Ramos 'Panga' Ortiz) :

Songo (congas)
Songo (congas)
Partie de congas (tempo réel)
Partie de congas (tempo lent avec appui sur les temps)

Le rythme de batterie étant très soutenu, cela laisse au conguero la possibilité d'introduire beaucoup plus de variations autour de son tumbao de base et d'avoir un jeu très syncopé souvent inspiré par la Rumba.

Il est dit que Pello 'el Afrokan' Izquierdo et son frère avaient déjà inventé un rythme proche de celui présenté précédemment. En effet, ils ont bâti des figures rythmiques en superposant différents patterns s'inspirant de la Samba brésilienne et de rythmes Afro à une base de Conga. Ils inventent alors vers 1964 un pattern très proche de celui du Songo et qui sera remis au goût du jour dans les années 80.

Il est aussi intéressant de parler du rythme Bota qui est en général utilisé durant les moments de faible intensité musicale :

Bota (congas)
Bota (congas)

Par la suite, 'Changuito' est revenu aux timbales en adaptant le rythme de batterie. Il a alors utilisé deux éléments principaux : le cross-stick sur la hembra (tambour le plus grave) des timbales et la grosse caisse. Des cloches et des wood-blocks sont également rajoutées pour colorer ce rythme. Cette combinaison originale de percussions combinée avec la technique de déplacement des mains donne une touche hautement originale au rythme.

Voici le pattern joué par 'Changuito' selon Sergio Cardozo (la note la plus en haut représente une cloche et la note en dessous est un wood-block) :

Songo (timbales)
Songo (timbales)

Voici une seconde version (relevée du jeu de Thomas Ramos 'Panga' Ortiz) où la cloche est remplacée par le rythme de cascara joué sur le bord de la hembra :

Songo (timbales variation)
Songo (timbales variation)

Voici une idée pour introduire un wood-block à la main gauche dans le rythme précédent (toujours relevé du jeu de Thomas Ramos 'Panga' Ortiz) :

Songo (timbales variation)
Songo (timbales variation)

Le Songo :

  • La plupart des albums de Los Van Van
  • Certains albums de Irakere des années 1980
  • Certains albums de Ritmo Oriental des années 1980
  • Quelques titres de NG la Banda
  • Quelques titres de la Charanga Habanera qui l'utilise de temps en temps dans son jeu dynamique

Les exemples joués par les groupes précédents sont nombreux, voici quelques titres en particulier :

  • "Permiso que llegó Van Van" (1999) de Juan Formell - Songo
  • "El negro está cocinando" (1999) de César Pedroso - Songo
  • "Temba, tumba, timba" (1999) de César Pedroso - Songo

Los Van Van :

Le Songo :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.