Le Sucu Sucu

Naissance du Sucu Sucu

L'histoire du Sucu Sucu a débuté en 1840 sur la Isla de los Pinos ou Île des Pins (qui porte maintenant le nom de Isla de la Juventud ou Île de la Jeunesse). Au départ, le rythme fut inventé par Bruna Castillo à Santa Fe (la seconde plus grande ville de l'île). Ce style musical reçut au début le nom de Rumba ou Rumbita. À partir du début des années 1900, il prit le nom de Dancita puis à partir de 1910, celui de Cotunto (inspiré par la chanson "Compay Cotunto"). En 1920, les gens le rebaptisèrent Sucu Suco. Ce nom a été inspiré par le son que faisaient les pieds des danseurs sur le sol en bois des bohios et des conucos, petites maisons en bois. Le nom vient également du son produit par le jeu spécifique de la bandurria (mandore). Les Pineros, habitants de la Isla de los Pinos, considéraient le Sucu Suco comme un nouveau rythme qui incluait le Son Montuno ; un Son mais différent, comme "mal joué". La différence réside dans les percussions car la tumbadora et les bongos ne sonnent pas pareil qu'un Son. Les musicologues le classent comme étant une variante du Son. Il est cependant difficile de dire si la forme primaire du Sucu Suco est apparue ou non avant le Son.

Isla de la Juventud (Cuba)
Isla de la Juventud (Cuba)

Le chercheur Roberto Chamizo explique que Bruna Castillo a donné naissance au rythme qui s'est peu à peu développé au travers de sa famille jusqu'à son arrière petit-fils, le fameux Ramón 'Mango' Rives Amador, né en 1929. Ayant grandi dans une famille de musiciens, ce dernier ne pouvait pas ne pas découvrir le Sucu Suco. En effet, sa grand-mère paternelle Braulia Castillo composa en 1870 un Sucu Suco intitulé "El Melón" inspiré de "Campana Sube la Loma", premier Sucu Suco connu et écrit en 1840. Son père, Miguel Mariano Rives, fonda également un groupe dans lequel il jouait du bandonéon, de la bandurria puis plus tard, du luth. Ce groupe, surnommé Los retardados, jouaient lors de guateques (fêtes paysannes) pour célébrer un anniversaire, la fin de la moisson... Miguel Mariano était aussi un grand joueur de machete (un couteau est frotté contre la lame d'une machette pour produire un rythme).

Bandurria
Bandurria

Ramón apprend donc le luth et crée son propre quintet en 1945 qui sera baptisé Mongo Rives y la Tumbita Criolla en 1967. Cette formation joue longtemps pour des fêtes paysannes. Ramón a composé ainsi plus de 60 Sucu Suco. 'Mango' a donc logiquement reçu le surnom de 'Rey del Sucu Sucu'.

Ramón 'Mongo' Rives
Ramón 'Mongo' Rives

En 1948, le musicien Eliseo Grenet (né en 1893) entreprend des recherches à propos du Sucu Suco afin de créer un rythme qui puisse rivaliser avec le Mambo. Pour cela, il s'adresse à Ramón Rives en personne qui lui fournit des chansons qu'il avait joué dans le passé. Grâce notamment au titre "Felipe Blanco" (reprise d'un Sucu Suco de 1898 qui racontait l'histoire du gouverneur de l'île, Felipe Blanco, qui dénonçait ceux qui ne travaillaient pas et ceux qui s'insurgeaient, comme Rafael Pimienta et sa famille qui ont été fusillés en 1986), Eliseo répandit le Sucu Suco qu'il renomma Sucu Sucu afin d'uniformiser la sonorité du mot.

Eliseo Grenet
Eliseo Grenet

Le mot Sucu Sucu est utilisé pour désigner le style musical mais également la danse et les fêtes durant lesquelles le Sucu Sucu est dansé et joué.

Bien évidemment, comme pour pratiquement tous les autres styles musicaux, les origines sont âprement discutées. Il existe donc d'autre versions de la naissance du Sucu Sucu. Le Dr. Elena Pérez Sanjurjo, dans son livre Historia de la Música de Cuba, explique que :

el Sucu Sucu es un ritmo bailable, que según una versión procede de la Guayana francesa pero lo cierto es que el Sr. Gabriel Sánchez, distinguido historiador de la Isla de Pinos, asegura que ese ritmo tiene su origen en dicha isla

... soit :

le Sucu Sucu est un rythme qui se danse et qui pourrait avoir ses racines en Guyanne française. Cependant, M. Gabriel Sánchez, un historien dont les études sur la Isla de los Pinos sont reconnues, assure que le rythme provient bien de l'île

Une seconde hypothèse, soutenue par le docteur Cristóbal Díaz Ayala dans son livre Del Areyto a la Nueva Trova, avance que le Sucu Sucu ne serait pas cubain mais serait le fruit de l'immigration venue de Puerto Rico, de Jamaïque, des Canaries et des îles Caîmans qui commence dès le début du 20ème siècle. Cette population hétéroclite mélange ses musiques à celle présente sur l'île et dans la partie orientale de Cuba pour former une sorte de nouveau Son.

L'instrumentation

L'instrument central du Sucu Sucu est le tres. Il est soutenu par une guitare afin de compléter la base mélodique.

Tres
Tres

Ils sont en général accompagnés par une section rythmique constituée de bongos qui joue librement, d'une machette frottée avec un couteau comme une râpe (sorte de guayo ou rayo) et/ou d'un güiro qui joue un schéma rythmique régulier.

De plus en plus fréquemment, viennent s'ajouter à ce conjunto typique une marímbula qui permet d'apporter une assise rythmique et mélodique, des maracas qui créent une décomposition des temps à la double-croche et une clave qui marque tous les temps.

On peut aussi trouver des formations qui intègrent un accordéon ou plus rarement un violon. Il n'est pas inhabituel d'ajouter également des percussion mineures (cloche).

Marímbula
Marímbula

La structure

La structure musicale, la mélodie et l'harmonie du Sucu Sucu sont proches du Son Montuno. Le morceau débute par une introduction de 8 mesures jouées par le tres pendant lesquelles les instruments et les voix vont petit à petit entrer. Ensuite, l'ensemble joue l'estribillo (refrain). Puis, la structure est assez simple : un soliste improvise (sur le quatrain ou la décime) et répond à un chœur qui maintient une phrase musicale fixe accompagné des instruments.

Durant la partie chantée, le tres et la guitare réalisent une base mélodique constituée d'accords plaqués sur la tonique, la dominante et la sous-dominante explique María Teresa Linares dans sont livre El Sucu-Sucu de la Isla de Pinos.

La signature rythmique du Sucu Sucu est du 2/4.

Les rythmes du Sucu Sucu

Le rythme de congas du Sucu Sucu est assez proche d'un rythme qui s'appelle le rythme a caballo, qui imite le son des sabots d'un cheval au galop :

Sucu Sucu (congas)
Sucu Sucu (congas)

Il se combien à la clave suivante :

Sucu Sucu (clave)
Sucu Sucu (clave)

Vous pouvez écouter le disque intitulé ¡Esto es Sucu Suco! de Ramón 'Mongo' Rives ou un des titres suivants :

  • "Campana Sube la Loma" (1840) - Sucu Sucu
  • "María Elena" (1945) de Ramón Rives - Sucu Sucu
  • "Felipe Blanco" (1945) d'Eliseo Grenet - Sucu Sucu
  • "Domingo Pantoja" (1945) d'Eliseo Grenet - Sucu Sucu

Le chanteur Albita Rodríguez interprète magnifiquement le Sucu Sucu. Il est aussi connu pour montrer comment il se danse durant ses apparitions live.

Eliseo Grenet :

Le Sucu Sucu :

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