La Salsa

Salsa, terme qui est aujourd'hui aussi vaste que les mots Jazz ou le Rock. Ce complexe musical, difficile à définir et sujet à controverses, est un nom collectif qui regroupe l'ensemble des rythmes latino-américains. Pour le caractériser, on pourrait dire que c'est une musique dont les origines sont cubaines mais jouée par la communauté latino (notamment portoricaine) de New-York. Ils y ajoutèrent des influences musicales des Caraïbes (Plena, Bomba, Merengue, Cumbia...) et une instrumentation héritée du Jazz. Ce pont musical entre Cuba, Porto-Rico et New-York porte parfaitement le nom de "salsa" qui signifie "sauce". Pendant de nombreuses années, les Cubains ont refusé l'utilisation du terme Salsa pour désigner ce qu'ils considèrent comme leurs musiques (Son, Mambo, Cha-Cha-Cha, Rumba...). Mais devant son succès mondial et son utilisation répétée par les touristes, ils ont petit à petit adopté ce "label" même s'ils lui préfèrent le Son ou la Timba pour la musique et le Son ou le Casino pour la danse.

Un siècle d'influences cubaines

Tout au long du 20ème siècle, les USA ont petit à petit découvert la culture musicale de l'île voisine cubaine. L'une des grandes étapes de cet apprentissage date des années 1930 avec le Son et le Son-Pregón que les Américains baptisent maladroitement "Rhumba". S'ensuit une version simplifiée de la Conga à la fin de la décennie puis le Jazz Afrocubain à partir du début des années 1940. Ensuite, les États-Unis ne succombent pas aux vagues du Mambo et du Cha Cha Chá qui animent le pays dans les années 1950.

Le panorama musical est profondément modifié entre la fin des années 1950 et le début des années 1960. Les grands orchestres latino-américains commencent à se démoder et deviennent difficile à maintenir, d'autant plus que le succès de la Pachanga met en avant les charangas dont le format est plus réduit. La Révolution cubaine suivie de la rupture des relations diplomatiques entre Washington et la Havane quelques années plus tard mettent un coup d'arrêt à l'influence que les USA reçoivent de Cuba laissant la place à des styles peu aboutis et éphémères comme le Boogalú, le Shing-A-Ling ou la Latin-Soul dont les acteurs sont de jeunes latinos qui, bien que peu expérimentés, deviennent les stars du moment. L'attrait pour la musique latine diminue auprès du grand public, notamment chez les jeunes latinos qui sont nés aux USA, parlent anglais et ont grandi avec le Rock 'n' Roll d'Elvis Aaron 'The King' Presley. De nombreux clubs "latins" ne sont plus rentables et disparaissent les uns après les autres (jusqu'à la légendaire salle de bal Palladium au printemps 1966). La musique cubaine se déporte vers les banlieues de Manhattan, d'Harlem et du Bronx. Les clubs situés au Chez José, Hunts Point Palace, Saint George Hotel, Colgate Gardens, Basin Street East, Hotel Diplomat, Taft Hotel ou Manhattan Centre prennent le relais.

Le Boogalú annonce la Salsa. Il lui inspire notamment sa spontanéité, son énergie, son exubérance ou ses origines de la rue. Elle va, tout comme le Boogalú, permettre aux latinos d'exprimer son sentiment de malaise vis-à-vis de la discrimination, de la violence et de la misère. Elle exprime une fierté d'appartenance et une forme d'indépendance. Les 3 albums The Brooklyn bums (1968), I believe (1969) et Salsa y control (1970) des The Lebrón brothers illustrent bien cette transition.

La scène musicale New-Yorkaise du début des années 1960 est dominée par 'Joe Cuba' et 'Richie' Ray qui proposent notamment du Boogalú mais ils doivent partager leur célébrité avec la La Perfecta d'Eddie Palmieri. La Salsa va bénéficier des travaux de cette formation. Sur le plan instrumental, la section de cuivre inclut 2 trombones notamment joués par Barron W. 'Barry' Rogers et José Rodríguez pour offrir un son plus fort et musclé. Cette "trombanga", contraction de "trombone" et "charanga", va contribuer à l'adoption par la Salsa du trombone comme instrument central.

Les descargas

Les racines de la future Salsa se créent lors des descargas (jam-sessions latinos) qui ont lieu dans les barrios (quartiers pauvres latinos) au début des années 1960. Lors de ces rencontres musicales, toutes les influences se mélangent : Son Montuno cubain, Plena et Bomba portoricaines, Merengue dominicaine, Cumbia colombienne... même si l'influence cubaine est majoritaire.

Le mot "descarga" fut d'abord utilisé dans les années 1940 dans le contexte du Filín pour désigner des improvisations influencées par du Jazz autour du Bolero. Dans les années 1950, le mot prend un sens plus large pour des improvisations dont la base s'étend à l'ensemble des rythmes cubains (Bolero, Mambo, Cha Cha Chá, Son mais en particulier Son Montuno). La première descarga de ce type fut enregistrée en 1952 par l'imprésario américain Norman Gantz avec l'Andre's All-Stars qui comprend le pianiste Dionisio Ramón Emilio 'Bebo' Valdés Amaro. Le disque intitulé Cubano Andre's All-Stars contient en particulier le titre "Con poco coco". En 1955, 'Bebo' Valdés enregistre Mambo Caliente avec le saxophoniste Gustavo Más. En 1956, une descarga est organisée avec peu de musiciens dont le chanteur Francisco 'El Gran Fellové' Fellové Valdés. Celui-ci apporte une façon innovante de faire du scat sur le titre "Cimarrón" de l'album Descarga Caliente. Ensuite, la maison de production cubaine Panart propose entre 1956 et 1958 une série de 3 albums, Cuban Jam Session, qui contiennent des descargas. En 1957, Israel 'Cachao' López signe pour Panart le disque de référence Cuban Jam Sessions in Miniature. Arturo 'Chico' O'Farrill grave en 1957 Descarga Número 1 et Descarga Número 2 pour Gema. 'Cachao' poursuit ses enregistrements avec Jam Session with Feeling (1958, Maype), Descarga (1959, Maype), Cuban Music in Jam Session (1959, Bonita) ou Descargas con el Ritmo de Cachao (1961, Modiner).

À New-York, 'Tito' Puente enregistre un album de descarga en 1956, Puente in Percussion, pour Tico. La section ryhtmique qui comprend Mongo Santamaría, William 'Willie Bobo' Correa et Carlos 'Patato' Valdés y est centrale. En 1958, il signe Top Percussion dans la même lignée pour RCA Victor. 'Cachao' qui quitte Cuba en 1961 rejoint l'orchestre de Pablo Tito Rodríguez Lozada. Son influence se ressent sur les descargas intitulées "Descarga Cachao" et "Descarga malanga". Il enregistre la même année avec des percussionnistes cubains et des jazzmen américains des descargas qui seront plus tard intégrées à l'album Cuban Jam Sessions in Miniature lors de sa ré-édition sous le titre "From Havana to New-York".

Au début des années 1960, la firme Alegre Records rassemble ses meilleurs musiciens pour former l'Alegre All-Stars et enregistrer des descargas à partir de 1961. Spécialisé dans la musique latine, souvent appelée la "Blue Note" de la musique latine, en référence au célèbre label de Jazz, elle compte notamment parmi ses rangs 'Johnny' Pacheco, 'Charlie' Palmieri ou Francisco Ángel 'Kako' Bastar. Cette formation prend divers noms comme Cesta All-Stars ou Puerto Rican All-Stars. Dans le même esprit, Ray Barretto grave Descarga la moderna en 1962.

Tico Records, rival d'Alegre Records, réagit avec son Tico All-Stars. Les vedettes de l'époque se retrouvent au club Red Garter ou au Village Gate situés dans le Greenwich Village pour des nuits musicales animées. La Tico All-Stars y enregistrera Descarga at the Village Gate Live - volume 1 (1965, qui comprend entre autres Gilberto Miguel 'Joe Cuba' Calderón, Eddie Palmieri ou 'Tito' Puente), Descarga at the Village Gate Live - volume 2 (1966, avec 'Cachao' López, 'Joe Cuba', Ray Barretto, 'Candido' Camero, Eddie Palmieri, 'Charlie' Palmieri ou 'Tito' Puente) et Descarga at the Village Gate Live - volume 3 (1967, avec 'Cachao' López, 'Joe Cuba', Ray Barretto, Eddie Palmieri, 'Charlie' Palmieri ou 'Tito' Puente).

La Fania

'Johnny' Pacheco
'Johnny' Pacheco

En 1964, l'avocat et homme d'affaire Jerry Masucci et le flûtiste Juan Pablo Azarías 'Johnny' Pacheco Knitting créent le label Fania. Ils empruntent 2500 dollars pour enregistrer leur premier album Cañonazo de 'Johnny' Pacheco. Ce disque comporte le Son Montuno "Fania", composé par Reinaldo Bolaños, qui donne son nom à la Fania. Selon les personnes, ce mot serait un nom féminin (Cesar Miguel Rondón), le mot "famille" dans une langue africaine non-déterminée ('Johnny' Pacheco) ou le nom d'un café de la Havane ('Larry' Harlow). 'Johnny' Pacheco et Jerry Masucci vendent eux-mêmes le disque dans les rues de Spanish Harlem. Ils recrutent de jeunes artistes qui produisent un son nouveau sur la base des répertoires cubains et portoricains. Les premiers disques rencontrent un succès modeste mais l'esprit de la Fania permet de signer Louie Ramírez, Lawrence 'Larry Harlow' Ira Kahn et Roberto 'Bobby' Valentín dès 1965.

En 1967, la Fania offre son premier contrat à un jeune tromboniste de 17 ans, William Anthony 'Willie' Colón Román. 'Johnny' recommande que participe un chanteur tout aussi jeune, Héctor Juan 'Lavoe' Pérez Martínez. Malgré le manque d'expérience, l'album El malo se vend à 30.000 exemplaires et le titre qui ouvre le disque, Jazzy est un vrai succès. Ce premier enregistrement marque le début d'une collaboration entre deux futurs grands noms de la Salsa, 'Willie' Colón et Héctor 'Lavoe'. Petit à petit, la Fania devient en capacité de racheter les petits labels latins en difficulté.

'Willie' Colón et Héctor 'Lavoe'
'Willie' Colón et Héctor 'Lavoe'

La première grande étape de la construction de la Salsa survient en 1968. L'histoire raconte que les promoteurs Jack Hooke et Ralph Mercado auraient téléphoné à Jerry Masucci en vacances à Acapulco pour lui proposer de mettre en scène toutes les stars de la Fania ainsi que les plus grands musiciens des autres labels en tant que guest-stars pour un concert événement au Red Garter. Ce rendez-vous s'inspire des descargas de l'Alegre All-Stars mais avec un très large ensemble. La soirée réunit la crème des acteurs de la musique latine new-yorkaise ('Johnny' Pacheco, Ernesto Antonio 'Tito' Puente Junior, Eddie Palmieri, Ricardo 'Richie' Ray, Bobby Cruz, Ray Barretto, 'Larry Harlow', Roberto 'Bobby' Valentín, 'Willie' Colón ou Peter 'Joe Bataan' Nitollano entre autres) au sein de la formation Fania All-Stars. Le concert fait salle comble mais les disques Live at the Red Garter, volume 1 et Live at the Red Garter, volume 2 du live se vend mal. Ce rendez-vous donne tout de même un contour plus formel aux descargas.

L'ossature de la Salsa est cubaine mais son public et ses interprètes sont majoritairement Portoricains. La musique présente un profil nettement cubain et le Son Montuno est au cœur de cette musique. Alors que le Boogalú avait choisi l'anglais, la Salsa qui porte une revendication identitaire revient à l'espagnol. Les diverses formations se tournent vers un format instrumental de type conjunto (piano, congas, bongos, timbales, claves, maracas, basse et section de trompettes) ou vers une variante plus moderne qui ajoute le trombone. Par exemple, 'Johnny' Pacheco abandonne sa charanga pour un conjunto en 1964 pour son album Cañonazo.

La Fania continue de produire des artistes dont Ray Barretto avec son disque Acid (1967) qui mélange musiques latines, Jazz et R&B et retient l'attention du public latin. La Fania crée sa filiale Vaya en 1970 et rachète Cotique Records en 1971. Les clubs El Corso et Cheetah deviennent des lieux incontournables de la Salsa.

Jerry Masucci et Ralph Mercado tentent de renouveler l'expérience du Red Garter dans un nouveau rassemblement encore plus ambitieux le 26 août 1971 au Cheetah, discothèque renommée de New-York. Le public est au rendez-vous pour cette mémorable descarga qui regroupe entre autres 'Johnny' Pacheco, Ray Barretto, 'Richie' Ray, Bobby Cruz, 'Larry Harlow', 'Willie' Colón, Héctor 'Lavoe', José Luis Ángel 'Cheo' Feliciano Vega, Pedro Juan 'Pete el Conde' Rodríguez Ferrer, 'Bobby' Valentín, Ismael Miranda, Victor Guillermo 'Yomo' Toro Vega et Barron W. 'Barry' Rogers. Cet événement est aujourd'hui considéré comme l'acte fondateur de la Fania All-Stars et l'étincelle qui a déclenché le boom de la Salsa. L'album Live at Cheetah volumes 1 & 2 reste aujourd'hui l'album de musique latine le plus vendu.

Le concert-événement est filmé et donnera naissance au documentaire Our latin thing (cosa nuestra) (1972) dirigé par Leon Gast. Les images présentent diverses prises du concert entrecoupées par des scènes de la vie quotidienne des barrios latinos. De son succès, il contribue pleinement à donner à la Salsa la dimension d'un genre majeur aux USA puis dans le monde.

La Fania connaît une croissance exponentielle. Elle rachète la firme Inca Records en 1972. Après une série de concerts complets à Porto Rico, Chicago et Panama, 'Johnny' Pacheco et Jerry Masucci veulent aller encore plus loin. Ils louent le Yankee Stadium pour y organiser un concert le 24 août 1973. Le concert débute avec 3 formations, Típica 73, El Gran Combo et Mongo Santamaría, avant d'accueillir la Fania All-Stars qui aligne 'Johnny' Pacheco, Ray Barretto, 'Larry Harlow', 'Willie' Colón, Héctor 'Lavoe', 'Cheo' Feliciano, 'Pete el Conde', 'Bobby' Valentín, Ismael Miranda ou Roberto Roena. Après quelques morceaux, le public composé d'environ 45.000 personnes envahit la pelouse pour s'approcher de leurs stars. Le concert est arrêté pour raisons de sécurité.

Celia Cruz
Celia Cruz

En novembre 1973, la Fania All-Stars inaugure le Roberto Clemente Coliseum de San Juan, capitale de Porto Rico. Ce concert marque les début d'Úrsula Hilaria Celia Caridad de la Santísima Trinidad Cruz Alfonso avec la formation de 'Johnny' Pacheco. Son interprétation magistrale de "Quimbara" et "Guantanamera" ne passe pas inaperçue. Héctor 'Lavoe' signe également l'un de ses plus grands titres, "Mi gente". En combinant le peu de matière sonore récupérée lors du concert du Yankee Stadium, des enregistrement du Roberto Clemente Coliseum et des prises studio, la Fania sort l'album Latin-Soul-Rock en 1974. L'un des plus gros succès, "El ratón", est signé 'Cheo' Feliciano avec un solo de guitare du fère de Carlos Alberto Santana Barragán, Jorge Santana.

La Fania poursuit ses rachats (Tico Records et Roulette Records en 1974 ou Alegre Records en 1975) et occupe au milieu des années 1970 une position commerciale de quasi-monopole. Sa Fania All-Stars parcourt le monde et se produit sur les scènes les plus impressionnantes. En 1974, un grand festival, Zaire 74, est organisé au Stadu du Hai de Kinshasa au Zaïre devant près de 80.000 personnes, en avant-première du combat de boxe poind lourds Rumble in the jungle qui oppose Cassius 'Mohamed Ali' Marcellus Clay Junior à George Foreman. Tous les plus grands noms de la musique sont conviés : James Joseph Brown, Riley B. 'B.B.' King, William Harrison 'Bill' Withers Junior, The Spinners mais aussi la Fania All-Stars. L'événement donne lieu au film Live in Africa.

En 1975, Fania sort le double album Live at Yankee Stadium qui est en réalité composé de séquences prises au Yankee Stadium et surtout au Roberto Clemente Coliseum. En 1976, elle produit le film-documentaire Salsa, réalisé par Columbia Pictures, qui rassemble des prises de divers événements dont le Yankee Stadium.

Le mot "salsa"

Vers 1970, la Salsa existe déjà mais le mot "salsa" n'est pas encore employé. Son origine est sujette à discussions. Parmi les nombreuses utilisations de ce mot, on peut citer :

  • durant la première moitié du 20ème siècle, les directeurs d'orchestre criaient "¡toca con Salsa!" à leurs musiciens pour leur demander de jouer avec plus de feeling ;
  • le mot est utilisé dans le titre "Échale salsita" d'Ignacio Piñeiro Ignacio Piñeiro en 1933 ;
  • Francisco Raúl 'Franck Machito' Gutiérrez Grillo de Ayala forme le groupe Machito y sus Afrocuban Salseros en 1948 ;
  • Israel 'Cachao' López signe le titre "Más salsa que pescao" en 1954 ;
  • le cubain José Marcelino 'Cheo' Díaz Marquetti fonde le groupe Los Salseros en 1955. Dès 1957, la radio vénézuélienne appelle sa musique Salsa. Un de ses titres est intitulé "Salsa y sabor" ;
  • en 1961, Callen 'Cal' Radcliffe Tjader Junior et Eddie Palmieri gravent l'album Salsa del alma ;
  • Félix 'Pupi' Legarreta sort le disque Salsa nueva con Pupi Legarreta en 1962 ;
  • Gilberto Miguel 'Joe Cuba' Calderón compose avec Jaime 'Jimmy' Sabater le titre "Salsa y Bembé" en 1962 ;
  • en 1963, Carlos Manuel 'Charlie' Palmieri sort l'album Salsa na' ma' ;
  • Ray Barretto signe le titre "Salsa y dulzura" en 1965 ;
  • dès 1966, le DJ vénézuélien Phidias Danilo Escalona anime à la radio l'émission La hora del Sabor, la Salsa y el Bembé qui diffuse la musique latine de New-York sur Radio Difusora. Le mot lui viendrait d'une interview avec 'Richie' Ray et Bobby Cruz qui ont qualifié leur musique de sauce ketchup ;
  • 'Richie' Ray et Bobby Cruz signent Salsa y control en 1966 ;
  • en 1966, Frederico y su Combo latino publie l'album Llegó la Salsa ;
  • en 1970, les LeBrón Brothers interprètent "Salsa y control" ;
  • La primerísima de Ángel Tomás 'Tommy' Olivencia Pagán sort le disque Cuero, Salsa y sentimiento en 1971 ;
  • Roberto Anglero signe l'album Guaya Salsa en 1973.
'Izzy' Sanabria
'Izzy' Sanabria

Dès ses débuts, 'Johnny' Pacheco fait appel au graphiste Israel 'Izzy' Sanabria pour le design des pochettes de ses albums dont son célèbre Pacheco y su Charanga (1961). Lorsque la Fania est fondée, il en devient le designer principal et produit de nombreuses couvertures de disques. Grâce au support financier de la compagnie, 'Izzy' Sanabria reprend en 1973 le Latin New-York magazine. Il fait la promotion de la musique latine à New-York et offre une immense couverture médiatique aux artistes de la Fania. Il utilise pour la première fois le mot "salsa" en 1973 pour désigner la musique latine. Dans la 8ème édition de sa revue, il consacre le club Cheetah comme "the home of the Salsa". Dans son 9ème numéro de nomvembre 1973, il annonce le Salsa TV Show qui démarre sur WXTU (canal 41) à la télévision New-Yorkaise. Dans la même parution il présente également l'émission 100% Salsa du DJ Hipólito 'Polito' Vega Torres à la radio WBNX.

Ce mot devient rapidement une appellation commerciale qui permet de simplifier l'accès à des musiques qui portent toutes un nom propre (Son, Guaracha, Mambo, Cha Cha Chá...). Bien qu'il ait été présent dans de nombreux titres de chansons ou d'albums, "salsa" devient un mot-slogan, facile à retenir, qui désigne un mouvement musical. Jerry Masucci décrit très bien cela par sa phrase :

before the word "salsa", was coined, people who knew music used to say: Son, Guaracha, Danzón, Cha Cha Chá... but those who weren't experts found this hard to follow. In Fania, we thought we needed a word as simple as yes, Rock 'n' Roll or County Music, so we hit on "salsa"

ou :

avant que le mot "salsa" ne soit inventé, les connaisseurs avaient l'habitude de dire : Son, Guaracha, Danzón, Cha Cha Chá... mais ceux qui n'étaient pas experts avaient du mal à comprendre. À la Fania, nous avons pensé qu'il serait nécessaire de trouver un mot aussi simple que oui, Rock 'n' Roll ou County Music, donc nous avons choisi "salsa"

En 1973, 'Larry Harlow' enregistre pour la Fania un album intitulé Salsa. Son énorme succès le place parmi les directeurs d'orchestre les plus influents. La Fania martèle le mot "salsa" qui devient presque une marque de la firme. Elle fait de son "son", le son Salsa dominant. Caractérisée par ses improvisations étendues et jouée par de larges ensembles, cette Salsa sera plus tard identifiée comme "Salsa dura" ("Salsa dure"). La Salsa porte aussi une dimension sociale en permettant aux latinos d'affirmer un sentiment de fierté et d'identité culturelle. En mars 1975, la populaire émission de TV Don Kirshner’s Rock Concert programme pour la première fois de la Salsa. Le Time Magazine publie un article sur cette musique en mai 1975 à la suite d'un concert d'Eddie Palmieri au Lincoln Center. La même année, une catégorie "disque latin de l'année" est créée aux Grammy Awards. En juin 1976, le magazine Billboard édite un supplément de 24 pages intitulé Salsa explosion présente la Salsa au public non-latin.

La Salsa comble le vide engendré par l'arrêt de l'exportation musicale cubaine. Cependant, le boom de la Salsa ne profite pas aux artistes cubains et les innovations apportées par Juan Clímaco Formell Fortuna restent inconnues hors de l'île. Peu d'artistes de la Fania sont cubains. La majorité est issue de Porto-Rico, République Dominicaine ou Panamá.

Les grands artisans de la Salsa des années 1970

En majorité, les principaux artisans de la Salsa sont liés à la Fania et nombre d'entre eux participent plus ou moins régulièrement à la Fania All-Stars. Représentant plus de 60% de la population latine et 12% de la population de New-York dans les années 1970, les portoricains sont les plus représentés.

Parmi les artistes qui font le succès de la Salsa dans les années 1970, 'Willie' Colón est l'une des figures incontournables. Suite à son premier album El malo (1967), il enregistre de nombreux disques comme The hustler (1968), The Big Break - La Gran Fuga (1969), Cosa nuestra (1972), Crime pays (1972) ou Lo mato (1973) sur lesquels il affiche une attitude de truand, reflet de la violence qui ronge les ghettos urbains new-yorkais ravagés par le chômage, la misère et la drogue. 'Willie' Colón puise dans les musiques cubaines, la culture brésilienne, le Jazz, la musique afro-portoricaine... comme sur "Che che colé" (issu d'une chanson pour enfant au Ghana agrémenté d'une forte rythmique latine), "Ghana'E" (inspiré de l'Afrique de l'ouest) ou "Pa'Columbia" (avec un style colombien/panaméen). Ses albums de Noël Asalto navideño (vol. 1), dont la célèbre "La murga", et Asalto navideño (vol. 2) sont marqués par le style Jíbaro portoricain et font appel au joueur de cuatro Victor Guillermo 'Yomo' Toro Vega.

Rubén Blades
Rubén Blades

L'album The good, the bad, the ugly (1975) marque un tournant dans la carrière de 'Willie' Colón car il met officiellement terme à la longue collaboration avec Héctor 'Lavoe' et annonce celle avec Rubén Blades Bellido. En 1977, ils enregistrent Metiendo mano qui contient les chansons engagées "Pablo pueblo" et "Plantación adentro". Ces titres donnent naissance à la Salsa Consciente ou plus rarement Salsa Protesta, Salsa à texte qui se caractérise par des thèmes riches et poétiques à fort contenu revendicatif, social ou politique. Ils signent ensuite le best-seller Siembra en 1978 qui se vend à plus d'un million de copies. Le titre "Pedro Navaja" fait prendre conscience que la Salsa peut véhiculer un message social. Le titre "Plástico" rencontre également un énorme succès. Elle prend une nouvelle dimension à l'échelle des États-Unis. 'Willie' Colón devient synonyme de trombone dans la Salsa.

À partir de 1979, les chemins de Rubén Blades et 'Willie' Colón divergent car Rubén Blades est jugé trop militant et cultivé par une partie de la communauté portoricaine. Ils se retrouvent pourtant en 1980 avec le double album Maestra Vida de Rubén Blades et en 1981 sur El solar de los aburridos de 'Willie' Colón. Rubén Blades quitte ensuite la Fania en 1984 avec laquelle il est en conflit ouvert depuis plusieurs années. Il fonde sa formation Seis del Solar.

Héctor 'Lavoe'
Héctor 'Lavoe'

En 1973, 'Willie' Colón souhaite dissoudre son orchestre à cause de problèmes personnels et du comportement difficile d'Héctor 'Lavoe'. Il lui recommande de créer son propre orchestre, lui "donne" ses musiciens mais reste producteur des ses disques. En parallèle de ses nombreuses apparitions avec la Fania All-Stars, Héctor 'Lavoe' commence donc sa carrière solo. Son premier album La Voz (1975) est un succès. Les titres "El todopoderoso", "Rompe saraguey" mais surtout "Mi gente" deviennent des classiques de la Salsa. Le disque lui vaut le surnom de 'La Voz' et le consacre comme chanteur fondamental de la Salsa. Malgré ses ventes fabuleuses, il n'enregistre pas avec régularité à cause de son comportement (manque régulier de ponctualité, amateurisme dans le soin de sa voix, déficit de travail...). Son album De ti depende (1976) contient le super-hit "Periódico de ayer" écrit par Tite Curet Alonso et son disque Comedia (1978) commence par le succès "El cantante" de Rubén Blades. Héctor 'Lavoe' devient 'El cantante de los cantantes' ('le chanteur parmi tous les chanteurs'). À partir de 1979, ses problèmes personnels s'aggravent, notamment avec la drogue.

Entre 1963 et 1974, 'Pete El Conde' enregistre avec 'Johnny' Pacheco divers albums dont La perfecta combinación (1970), Los compadres (1971) ou Tres de café y dos de azúcar (1973). Il fut le premier chanteur pour la Fania. En 1974, il quitte la Fania All-stars pour se concentrer sur sa carrière solo. Son premier album El Conde (1974) rencontre un fort engouement. Le second Este Negro Si Es Sabroso (1976), qui débute par le titre "Catalina la O", obtient le même succès.

'Pete El Conde'
'Pete El Conde'

Après plusieurs années comme patient dans le centre portoricain Hogar Crea de désintoxication à la drogue, 'Cheo' Feliciano revient en 1971 avec son premier album solo intitulé Cheo. Grâce aux titres "Anacaona" et "Mi triste problema", le disque est un énorme succès. Au sein de la Fania, il signe de nombreux hits comme "Nabori", "Salome", "Amada mía", "Juguete", "Los entierros" ou "Juan Albañil". Il enregistra différents albums dédiés au Bolero qu'il affectionne particulièrement.

'Cheo' Feliciano
'Cheo' Feliciano

Eddie Palmieri qui est devenu l'un des chefs de file de la Salsa des années 1960 signe l'album Justicia (1969) puis Vamonos pa'l Monte (1971) sur lequel son frère 'Charlie' Palmieri est invité. La même année, il est le premier à mélanger la musique afro-américaine avec la musique latine sur Harlem River Drive (1971) qui allie Salsa, Soul et Funk. Par la suite, il jonglera entre Salsa et Jazz. Ce penchant pour le Jazz lui vaudra le surnom de 'The Latin Monk' (du nom de Thelonious Sphere Monk). Après une longue bataille menée par Eddie Palmieri et d'autres membres de la communauté hispanophone, une catégorie "musique latine" est ajoutée aux Grammy Awards en 1975. Il remporte le prix avec son album The sun of Latin Music. Il faudra attendre son disque Eddie Palmieri (1981) avec 'Cheo' Feliciano et Ismael Quintana pour retrouver des titres purement Salsa.

Eddie Palmieri
Eddie Palmieri

'Larry Harlow', surnommé 'El Judío Maravilloso' est un des architectes de la Salsa. Musicien prolifique, il signe très tôt avec la Fania dont il devient l'un des pilliers. Il fut le premier pianiste de la Fania All-Stars. Il sera l'un des rares Américains à s'imposer dans la Salsa. Parmi ses albums, on peut citer Electric Harlow (1970) qui introduit un piano électrique, Abran Paso! (1971), Tribute To Arsenio Rodríguez (1971) ou le fameux Salsa (1974).

'Larry Harlow'
'Larry Harlow'

Ray Barretto qui a signé avec la Fania en 1967 se lance également dans la Salsa. Il rejoint la Fania All-Stars en 1968. Il signe Barretto Power (1970), The Message (1971) et Indestructible (1973). En 1973, la plupart de ses musiciens le quittent pour former la Típica'73. Après l'album Barretto (1975) qui obtient une nomination aux Grammy Awards, il se tourne vers le Jazz et se détourne de la Fania. Il y reviendra pourtant en 1979 avec l'album de référence Ricanstruction.

Ray Barretto
Ray Barretto

On peut également citer 'Bobby' Valentín qui a signé à la Fania depuis 1965 et deviendra l'arrangeur de la Fania All-Stars. Il quitte la Fania en 1975 pour former son propre label, Bronco Records. Prolifique compositeur et arrangeur, il collabora avec de très nombreux artistes.

Depuis la fin des années 1960 et la période Boogalú, 'Richie' Ray et Bobby Cruz se produisent ensemble. En 1970, ils quittent New-York pour Porto-Rico et enregistreront plusieurs disques dont la qualité est assez inégale pour Vaya Records, filiale de la Fania. Leur disque El Bestial Sonido De... (1971) est leur meilleur album. En 1974, des problèmes personnels conduisent 'Richie' Ray à l'alcool et la drogue qu'il vaincra en se convertissant au christianisme évangélique. La musique passe au second plan et les rapports avec Bobby Cruz sont difficiles jusqu'à ce que ce dernier adopte la même religion. Ils diront au revoir à la musique laïque avec le titre "Adiós a la Salsa". Leur retour, avec La Reconstrucción (1975), marque ce changement. Le public est fidèle, cet album devient disque d'or.

Le portoricain Ismael 'El Niño Bonito de la Salsa' Miranda Carrero est repéré jeune par 'Larry Harlow'. Ils signent le Boogalú intitulé "El exigente". Après plusieurs disques ensemble, Ismael Miranda fonde son propre groupe, Orquesta Revelación. On peut citer parmi ses tubes "Así se compone un son" ou "Señor Sereno".

Après son départ de la Sonora Matancera et malgré divers albums avec 'Tito' Puente à la fin des années 1960, les ventes de Celia 'La Reina de la Salsa' Cruz ne sont pas très bonnes. Elle quitte Tico Records et est sur le point d'arrêter sa carrière de chanteuse. 'Larry Harlow' lui demande d'enregistrer plusieurs titres de son Hommy - A Latin Opera en 1973. Le succès est au rendez-vous et Celia Cruz signe pour la Vaya Records, label lié à la Fania, et rejoint la Fania All-Stars. Elle collabore avec 'Johnny' Pacheco en 1974 sur Celia y Johnny qui obtient un disque d'or notamment grâce aux titres "Quimbara" et "Toro Mata". Elle chante également pour 'Willie' Colón, notamment pour le titre "Usted abusó" (1977).

Les grands orchestres historiques doivent s'adapter. Malgré ses réticences pour l'étiquelle "Salsa", 'Tito' Puente rejoint le courant salsero. De même, après le départ de Mario Bauzá Cárdenas et de Graciela Pérez Gutiérrez, Francisco Raúl Gutiérrez 'Franck Machito' Grillo prend la tête de l'orchestre avec lequel il grave Fireworks (1977) qui est nominé aux Grammy Awards. Il fait appel aux musiciens 'Charlie' Palmieri, Nicky Marrero, 'Lalo' Rodríguez ou Ismael Quintana. Ensuite, la formation perd de son éclat bien que Machito and his Salsa big band (1982) remporte un Grammy Award qui récompense l'ensemble de sa carrière.

Divers groupes de Salsa se forment dont Ocho (1970) de Ira Jay 'Chico Mendoza' Roberts Junior, la formation de Luis 'Perico' Ortiz (1971), Yambú (1972) de Milton Hamilton, la populaire Típica'73 (1973) qui rassemble plusieurs musiciens qui ont quitté Ray Barretto (Adalberto Santiago, Rene López, Orestes Vilató, Dave Pérez ou Johnny 'Dandy' Rodríguez Junior), Conjunto Salsa'73 (1973) de Wayne Gorbea, Conjunto Libre (1974) de Manny Oquendo, Saoco (1974) de William Millán et Henry Fiol, Conjunto Melao (1974) de Cruz 'El Chino' de Jesús, Los Kimbos (1976) du tresero Nelson González, Conjunto Candela (1976) de Héctor Castro ou Conjunto Clásico (1979) de Ramón Rodríguez.

En parallèle du format instrumental conjunto, des charangas se tournent vers la Salsa comme la charanga de José Fajardo ou l'Orquesta Broadway. D'autres charangas se créent : La Compañia (1974) de Bobby Rodríguez, la Súper Típica de Estrellas (1975) de 'Don' Gonzalo Fernández, la Típica Ideal (1976) avec 'Chombo' Silva et Gil Suárez qui introduit le Changüí à New-York, la Típica Novel (1976) de Willie Ellis, la Charanga 76 (1976) de Felipe 'Pipo' Martínez, la Charanga América (1977, du nom d'une formation cubaine) de George et Margie Maysonet, la Charanga Casino (1978) de Felipe Javier Ramos, la Orquesta Novedades d'Eugenio 'Gene' Hernández, la Charanga de la 4 de Roberto Torres, Latin Dimensions de Mike Martínez, Charanson d'Héctor Serrano, l'Orquesta Metropolitana d'Osvaldo 'Chihuahua' Martínez, Típica Antillana de José 'Rolando' Calazán Lozano ou l'Orquesta Sublime (du nom d'une formation cubaine).

Déclin de la Fania et essoufflement de la Salsa

À partir des années 1970, la Salsa va progressivement fusionner avec la musique américaine :

  • sur la côte Ouest, en particulier en Californie, elle va se métisser avec le Rock et le Blues Rock. L'étincelle vient de San Francisco quand Carlos Santana joue pour le festival historique de Woodstock puis quand il interprète sur son album Abraxas (1970) une reprise de "Oye como va" de 'Tito' Puente. L'album propulse le Latin Rock sur le devant de la scène. Sur l'album Santana III, il reprend un autre titre de 'Tito' Puente, "Para los rumberos". Dans la même veine, les groupes El Chicano (Los Angeles), Malo (San Francisco) de Jorge Santana et Azteca (San Francisco) de Joseph Thomas 'Coke' Escovedo et Peter Michael 'Pete' Escobedo mélangent Rock et Salsa. À New-York, quelques groupes dont Seguida de Randy Ortiz tentent cette fusion mais sans grand succès car la Salsa est en pleine expansion ;
  • à New-York, l'influence de la Salsa se fait sentir sur des chansons d'artistes Pop. Inversement, certains artistes latins s'intéressent aussi cette musique américaine. Des groupes comme Dr. Buzzard's Original Savannah Band ou The Bad Street Boys représentent cette fusion que l'on peut appeler Latin Pop. Quelques années plus tard, les clubs latins découvrent et programment de la Disco entre les sets de Salsa. Manuel 'Paco' Navarro abandonne sa populaire émission de Salsa sur radio WKTU pour un programme Disco.

À partir de 1976, Jerry Masucci qui souhaite doper les ventes de la Fania signe des accords avec de grands groupes comme Columbia avec l'envie de fusionner les musiques américaines avec la musique latine afin de la vendre sur les 2 labels pour toucher un autre marché que celui de la communauté latino. Il en résulte toute une série d'albums plus ou moins réussis. Cependant, la firme peine à découvrir de nouveaux artistes qui ont le potentiel de devenir des stars. Heureusement que Fania découvre Rubén Blades et qu'il signe avec 'Willie' Colón l'album Siembra en 1978.

À la fin des années 1970, la Fania s'adapte assez mal à l'évolution de la scène musicale et parviennent difficilement à captiver les nouvelles générations d'auditeurs qui se tournent facilement vers le Rock ou la Pop... À partir de 1979, les ventes de la Fania baissent significativement et rencontre des problèmes financiers. Peu à peu, la Fania perd ses artistes. Jerry Masucci se détourne du label qu'il vend avant de partir pour l'Argentine.

La popularité du Merengue s'accroît énormément à la fin des années 1970 et au début des années 1980, notamment grâce à l'arrivée de nouveau immigrés de République Dominicaine à New-York. D'abord cantonné aux clubs de Little Santo Domingo et Washington Heights, il conquiert New-York. Les jeunes latinos apprécient ce style facile à danser et écoute des chanteurs comme Wilfrido Radamés Vargas Martínez ou Juan de Dios 'Johnny' Ventura Soriano. De nombreux clubs préfèrent embaucher des groupes de Merengue plutôt que des formations de Salsa. Le début des années 1980 est également marqué par le Rap. La Salsa est mise à rude concurrence et s'essouffle durant la décennie. 'Joe Bataan' signe Rap o clap (1980) et Roberto 'Tito Allen' Romero Salsa Rap (1980). Quelques latinos comme Ulpiano Sergio 'Mellow Man Ace' Reyes, M.C.E, Latin Empire ou C&C Music Factory s'essayent avec succès au Rap.

Une Salsa qui se diversifie

L'internationalisation de la Salsa

Le déclin de la Fania va laisser de la place à de nouveaux artistes et groupes Salsa qui pendant de nombreuses années étaient restés dans l'ombre de la Fania. Le marché de la Salsa va s'ouvrir à des groupes non-Américains et à de nouvelles stars qui viennent de Colombie, du Vénézuela, de République Dominicaine ou de Puerto Rico :

  • au Vénézuela, Oscar Emilio León 'Oscar D'León' Somoza a créé La Dimension Latina en 1972 avec qui il signe le très célèbre "Llorarás" en 1975. Après des tensions internes, 'Oscar D'León' quitte la formation pour former ses propres orchestres, La Salsa Mayor (1976) et La Crítica (1978). Les années 1980 lui apportent une popularité mondiale. Parmi ses titres majeurs, on peut citer "Se necesita rumbero", "Monta mi caballo" ou "A él". Considéré comme l'un des soneros majeurs, il reçu le surnom de Sonero del Mundo pour avoir parcouru le monde avec sa Salsa ;
  • en Colombie, Fruko y sus Tesos est mis en place par Julio Ernesto 'Fruko' Estrada Rincón en 1970. Après des débuts difficiles, la formation connaît une notoriété dans toute l'Amérique latine et aux USA au milieux des années 1970 ;
  • en Colombie, après avoir chanté avec le groupe Fruko y sus Tesos, Álvaro José 'Joe' Arroyo González crée sa formation La Verdad en 1981. Avec un classique comme "La rebelión" (1986), la popularité de 'Joe' Arroyo dépasse les frontières colombiennes. Sa carrière sera écourtée par d'importants problèmes de drogue et d'alcool ;
  • à Puerto-Rico, la Sonora Ponceña est l'un des groupes de Salsa les plus anciens de l'île. Fondée en 1954 par Enrique 'Quique' Lucca Caraballo dans la ville de Ponce, elle est déjà connue à New-York grâce à ses premiers albums Hacheros pa’un Palo (1968) et Fuego en el 23 (1969) ;
  • à Puerto-Rico, El Gran Combo de Puerto Rico créé en 1962 par Rafael Ithier Nadal et grand rival de la Sonora Ponceña, avait déjà pénétré ce marché dès leur premier album Menéame los mangos (1962) ;
  • en Colombie, le Grupo Niche est fondé en 1978 par Jairo Varela Martínez et Alexis Lozano. On leur retient les titres "Buenaventura y Caney" ou "Cali Pachanguero".

On peut encore citer les groupes colombiens Los Titanes (1981), Orquesta Guayacán (1979) d'Alexis Lozano qui a quitté Grupo Niche et The Latin Brothers (1974) ou les formations porto-ricaines La Selecta (1970) de Raphy Leavitt, Salsa Fever de Julio 'Gunda' Merced Acosta, Orquesta Mulenze (1976) d'Edwin Morales, Impacto Crea d'Ernesto Juán Rivera Ortíz, Corporación Latina (1966) de Charlie Collazo, Latin Tempo de Louis García, Orquesta La Terrífica de José Rodríguez Alvarado et Costa Brava d'Elvin Torres.

L'industrie musicale prendra plusieurs années pour se relever de ce vide laissé par la maison de production qui domina le marché pendant de longues années. Les petits labels n'ont pas les infrastructures ou les moyens financiers pour remplacer la Fania. RMM Records & Video Corporation qui voit le jour en 1987 produit de nombreux artistes latins. Le label MP (Musical Production) est créé à Miami en 1987. Au Vénézuela, TH-Rodven (fusion de TH ou Top Hit avec SonoRodven) produit de nombreux artistes Salsa de toutes nationalités.

Puerto Rico et la Colombie deviennent des centres importants de la Salsa qui se répand d'abord en Amérique latine et dans les Caraïbes avant d'atteindre le Japon et l'Europe. Certains considèrent même que depuis la fin des années 1980, Cali est la capitale de la Salsa.

Retour aux sources

Au milieu des années 1970, certains musiciens cubains arrivés après la Révolution ravivent l'intérêt pour le folklore afro-cubain ainsi que pour le genre traditionnel cubain :

  • né des jam-sessions organisées dans le Bronx chez les frères Andy et Jerry González, le Grupo Folklórico y Experimental Neoyorkino regroupe entre autres Frankie Rodríguez, Milton Cardona, Gene Golden, Manny Oquendo, Alfredo 'Chocolate' Armenteros, Virgilio Martí, Marcelino 'Rapindey' Guerra, Rubén Blades, Orlando 'Puntilla' Ríos et Julio 'Julito' Collazo. Ils gravent 2 albums, Concepts in unity (1975) et Lo dice todo (1976) ;
  • Carlos 'Patato' Valdés réunit en 1976 les musiciens Ángel 'Cachete' Maldonado, 'Julito' Collazo, Nelson González, Mario 'Papaíto' Muñoz Salazar, Virgilio Martí et Orestes Vilató pour les titres "Canto a Chango" et "To y van hecho" de l'album Ready for Freddy. La même année, il consacre le disque Authority à la Rumba cubaine ;
  • José Mangual signe Tribute to Chano Pozo (1977) ;
  • 'Tito' Puente rend hommage à Maximiliano Bartolomé 'Benny' Moré Gutiérrez avec Homenaje A Beny (1978) ;
  • 'Patato' Valdés grave Batá y Rumba (1980) ;
  • en 1984, Virgilio Martí édite Saludando a los rumberos ;
  • la Sonora Matancera, établie à New-York depuis 1962, perpétue la musique qu'elle jouait à la Havane dans les années 1940 et 1950 ;
  • Israel 'Cachao' López Valdés enregistre divers Danzones ;
  • le trompettiste Alfredo 'Chocolate' Armenteros impose le format septeto aux USA ;
  • Ezequiel Lino Frías Gómez et sa formation Son de la Loma produisent un style ancien de Son ;
  • Alfredo Valdés ressuscite les vieux succès du Septeto Nacional ;
  • Carlos Barbería re-fonde l'Orquesta Kubavana qu'il dirigeait à Cuba.

Fondé en 1979, le label SAR de Sergio Bofill, Adriano Garcia et Roberto Torres se spécialise dans les anciens styles cubains (Guajira et Son Montuno). En regroupant divers musiciens de New-York, il organisera le SAR all-stars.

En même temps, les relations avec Cuba s'améliorent un peu, ce qui laisse la possibilité à 'Dizzy' Gillespie de se rendre à la Havane en mai 1977 pour une descarga entre musiciens américains et cubains. Devant ce succès, l'opération est renouvellée en 1979 à plus grande échelle pour 3 jours de concerts sous le nom de Havana Jam. La liste de musicien est longue : Weather Reports, la Fania All-Stars, Dexter Gordon, Stanley 'Stan' Getz, Woody Herman Shaw Junior, John McLaughlin, John Francis Anthony 'Jaco' Pastorius III, William 'Willie Bobo' Correa, Stephen Arthur Stills, William Lance 'Billy' Swan, Kristoffer 'Kris' Kristofferson, William Martin 'Billy' Joel, Federico Arístides 'Tata Güines' Soto Alejo, Irakere, Los Papines, José Luis 'Changuito' Quintana, Francisco 'Frank' Emilio Flynn Rodríguez, Guillermo Barreto ou l'Orquesta Aragón. Du côté américain, la Orquesta Aragón accompagne Irakere et Los Papines pour une grande tournée aux USA. Mais un des concerts de décembre 1978 au Avery Fisher Hall est perturbé par des menaces de bombes de militants anticastristes. Cet évènement met un coup d'arrêt aux échanges cubano-américains qui ne reprendront qu'à la toute fin des années 1990.

L'exode Mariel, en 1980, permet à divers musiciens cubains de rejoindre New-York comme Roberto Borell, Orlando 'Puntilla' Ríos (qui apporte ses grandes connaissances des tambours batá), Daniel Ponce ou Ignacio Berroa.

Salsa Romántica

Louie Ramírez introduit une nouvelle manière d'interpréter la Salsa en la mélangeant avec des balades comme avec "Because" (1978) et "Something" (1978) des Beatles ou "Sha la la means I love you" (1979) de Barry White qui sont adaptées en Salsa. Ces chansons ne rencontrent pas un grand succès mais déclenchent la mode de la Salsa Romántica parfois aussi appelée Balada-Salsa. En effet, Joni Figueras de la firme K-tel contacte Louie Ramírez et lui propose de profiter de la popularité grandissante des chansons romantiques et des ballades. Il produit avec Isidro Infante Lo mejor de noche caliente volume 1 (1982) et volume 2 (1983). Les chanteurs José Alberto Justiniano, 'Tito Allen', Johnny Rivera et Ray de la Paz sont invités à interpréter ces chansons au rythme ralenti dont le thème principal sont les sentiments amoureux.

À Puerto Rico, cette Salsa Romántica va rencontrer un fort succès et elle va se développer avec un son propre : suppression des solo instrumentaux, rythmique lente, chansons focalisées sur les paroles. Les premiers groupes à représenter ce courant de la Salsa sont le Conjunto Chaney de Nicolás Vivas souvent re-baptisé "Conjunto del Amor" et La Primerísima d'Ángel Tomás 'Tommy' Olivencia Pagán avec le chanteur José Antonio 'Frankie' Torresola Ruíz. Puis de nombreux chanteurs sont s'y mettre comme Frank 'Paquito' Guzmán Géigel, Eduardo 'Eddie' Santiago Rodríguez, Wilberto 'Willie' González, Julio César 'Tito' Rojas López, Humberto 'Tito' Nieves, Adalberto Santiago Berrios, Luis Alberto 'Tito' Gómez, Ubaldo 'Lalo' Rodríguez, Fernando Luis 'Willie' Rosario Marín, Gilberto 'el Caballero de la Salsa' Santa Rosa, Carlos Enrique 'Cano' Estremera Colón ou Eladio Antonio 'Tony' Vega Ayala. Cette Salsa va de plus en plus promouvoir de jeunes chanteurs dont le sex-appeal fait oublier la qualité de la musique. Elle sera ainsi surnommée Salsa monga ("Salsa molle") par 'Willie' Rosario, appellation reprise par ses détracteurs, par opposition à la Salsa dura aussi appelée Salsa brava ("Salsa sauvage"), Salsa clásica, Salsa caliente ("Salsa chaude") ou Salsa gorda ("Salsa obèse").

Entre les années 1980 et 1990, la Salsa Romántica se répand facilement dans les Caraïbes et l'Amérique latine grâce à des chanteurs tels que José Alberto 'El Canario' Justiniano Andújar, Víctor Rolando 'Viti' Pinto Ruiz (Porto-Rico), Luis Enrique Mejía López (Nicaragua), Víctor 'Manuelle' Manuel Ruiz Velázquez (USA), Marco Antonio 'Marc Anthony' Muñiz (USA), Miguel 'Mickey' Vinicio Almánzar Taveras (République dominicaine), Andrés 'Andy' Montañez (Porto-Rico), Linda Bell 'La India' Viera Caballero (Porto-Rico), Gerardo 'Jerry' Rivera Rodríguez (Porto-Rico), Carlos Alfonso 'Charlie' Cruz Quiñones (Porto-Rico), Jorge Manuel 'Giro' López (Porto-Rico), Ismael 'Maelo' Ruiz Hernández (USA), Ray Sepúlveda (USA) , Anthony Cruz (USA), Francisco 'Frankie' Negrón Santos and Zaida Gonzalez (USA), Reinerio 'Rey' Ruiz (Cuba), Amílcar Jesús Boscán Parra (Vénézuela), Johnny Rivera (USA), Kevin Ceballo (USA), Domingo Quiñones (USA), Luis 'Jay' Armando Lozada (Porto-Rico) ou Michael Stuart (USA). Les maisons de production TH-Rodven et RMM se lancent pleinement dans la Salsa Romántica.

À la fin des années 1980, apparaît la Salsa Erótica ou Salsa Sensual comme variante de la Salsa Romántica. Les modifications se trouvent au niveau des paroles dont le contenu est plus ouvertement sexuel comme en témoignent les chansons "Ven, devórame otra vez" (1988) et "Voy a escarbar tu cuerpo" de 'Lalo' Rodríguez ou "Desnúdate, Mujer" (1987) et "Quiero llenarte" (1987) de 'Frankie' Ruíz. Certains indiquent que l'appelation Salsa Erótica aurait été donnée au son particulier de Porto-Rico pour le différencier de la Salsa Romántica de New-York.

Les années difficiles de la Salsa

L'explosion de la Latin Pop

Gloria Estefan
Gloria Estefan

Après l'arrivée au pouvoir Fidel Castro en 1959, de nombreux cubains s'installent à Miami. Dans les années 1970, les premiers orchestres d'importance seront Los Sobrinos del Juez ou celui de Wilfredo José 'Willy' Chirino qui vont introduire "The Miami sound". Mais le groupe le plus marquant sera celui fondé en 1974 par le cubain Emilio Estefan Gómez avec son Miami Latin Boys. En 1977 son épouse, Gloria María Milagrosa Fajardo García Estefan, rejoint le groupe est re-baptisé Miami Sound Machine. La popularité du groupe décolle en 1984 avec le hit "Dr. Beat" mais surtout en 1985 avec le tube planétaire "Conga" qui propulse la carrière de Gloria Estefan. S'ensuivent les succès "Words get in the way" (1985) ou "Bad Boy" (1986). En 1987, le groupe met en avant la chanteuse principale en prenant le nom de Gloria Estefan and Miami Sound Machine. Le disque Let it loose (1987) contient de nombreux tubes. Cette Latin Pop au son cubain, aux influences sud-américaine et au groove américain séduit tout public.

Après un accident qui met sa carrière entre parenthèse, elle reviendra avec divers tubes comme "Coming out of the dark" (1991) ou "Oye!" (1998) et des albums dont Hold me, kiss me, thrill me (1994), Abriendo Puertas (1995) ou Destiny (1996).

La Latin Pop va inspirer une autre future star. Enrique 'Ricky' Martin Morales intègre le fameux boys band nommé Menudo. Grâce à son album A medio vivir (1995) qui contient le succès planétaire "María", il obtient une visibilité internationale. Son "Copa de la vida" devient l'hymne de la coupe du monde de football en France en 1998. Il signe son plus gros hit "Livin' la vida loca" (1999). Ce titre va participer à l'explosion de la Latin Pop.

'Ricky' Martin
'Ricky' Martin

Quand Jennifer Lynn Lopez sort son premier album, On the 6 (1999), le succès est de suite au rendez-vous et le disque se classe dans le top 10 du Billboard 200. Il contient les titres "No me ames" avec 'Marc Anthony' et "Let's get loud". Elle est considérée comme la plus influente des artistes latino-américains et fut élue personnalité la plus influente du monde selon Forbes en 2012.

Jennifer Lopez
Jennifer Lopez

Emilio Estefan va aussi participer à la naissance d'une autre star Latin Pop, Shakira Isabel Mebarak Ripoll, plus connue comme Shakira. Après son disque Pies Descalzos (1996) qui se vend bien, elle signe ¿Dónde están los ladrones? (1998) dont Emilio Estefan est le producteur exécutif. Avec son album Laundry Service (2001) qui contient le titre "Whenever, wherever", elle devient une star mondiale. Les tubes se succèdent avec "La tortura" (2005), "Hips don't lie" (2006) ou "She wolf" (2009). Elle chante lors du concert d'inauguration de la coupe du monde de football en Afrique du Sud en 2010. Sa chanson "Waka Waka" en devient l'hymne. Ensuite, elle signe les succès "Loca" (2011) et "Rabiosa" (2011).

Shakira
Shakira

Le chanteur de Salsa Marc Anthony va lui aussi participer à la Latin Pop. Au début, il signe deivers duos comme "Vivir lo nuestro" avec 'La India', "I want to spend my lifetime loving you" avec Filippina Lydia 'Tina' Arena ou "No me ames" avec Jennifer Lopez. En 1999, il s'attaque au marché anglophone avec "I need to know"/"Dímelo" qui est plus Pop. Il enchaîne ensuite les succès. Ses albums Todo en su tiempo (1995), Contra la corriente (1996), Libre (2001), Amar Sin Mentiras (2004) ou Valió la pena (2004) lui ont valu des nominations ou des récompenses.

Marc Anthony
Marc Anthony

Thalía Adriana Sodi Miranda, Enrique Miguel Iglesias Preysler ou Christina María Aguilera sont d'autres vedettes de cette musique. Toutes ces stars qui connaissent une notoriété internationale diffusent cette Latin Pop dans le monde entier. Cette musique devenue mainstream fait bien évidemment de l'ombre à la Salsa.

La Salsa s'affadit

À partir des années 1990, la distinction entre Salsa Romántica et la Salsa "classique" s'efface peu à peu. Des artistes comme 'Marc Anthony', 'La India', Gilberto Santa Rosa ou Víctor 'Manuelle' popularisent une Salsa grand public qui perd de sa spontanéité, de son énergie et de sa virtuosité. L'éphémère boys band d'origine cubaine, Dark Latin Groove ou DLG qui signa l'album Swing On, est un autre exemple de cette Salsa qui ne présente que peu d'intérêt. Le cubain Isaac Felipe Delgado Ramírez est un des rares interprètes à jouer une Salsa de qualité qui s'aventure sur le terrain de la Salsa Romántica.

Cette Salsa perd de sa popularité face à d'autres rythmes caribéens dont le Merengue qui, malgré une attention moins soutenue du public par rapport à la décennie précédente, continue d'être actif mais aussi la Bachata. Cette dernière est largement diffusée par le chanteur Juan Luis Guerra qui signe le hit "Burbujas de amor" (1990) ou par le groupe Aventura du Bronx connus pour leur morceau "Obsesión" (2002).

Le renouveau de la Salsa

Depuis la Révolution cubaine, les évolutions musicales que connaît Cuba restent pratiquement ignorées par les USA. Seuls les amateurs avertis prennent connaissance du Songo ou de la Timba naissante.

Le renouveau de la Salsa viendra du succès planétaire du Buena Vista Social Club. En 1996, le producteur Nick Gold de la maison de disque World Circuit et le guitariste Ryland Peter 'Ry' Cooder, aidés par le leader du célèbre groupe Sierra Maestra Juan de Marcos González, décident de réunir des musiciens cubains pour enregistrer dans le studio Egrem de la Havane. En 15 jours, ils gravent 3 disques : A toda Cuba le gusta par le collectif Afro-Cuban All-Stars, Buena Vista Social Club du nom d'un club de musique et de danse havanais fermé dans les années 1940 et Buena Vista Social Club presents: Ibrahim Ferrer. Le disque Buena Vista Social Club devait réunir des musiciens cubains et des musciens maliens mais ces derniers rencontrèrent des problèmes de visa et ne purent arriver jusqu'à Cuba. L'album rencontre un immense succès avec plus de 5 millions de ventes et obtient un Grammy Award en 1997. Deux concerts sont organisés, l'un en avril 1998 à Amsterdam et l'autre en juillet 1998 au Carnegie Hall de New-York. Cette aventure fait l'objet d'un film réalisé par Ernst Wilhelm 'Wim' Wenders et dévoilé en septembre 1999 qui rassemble interviews et des séquences de leur enregistrement et leurs concerts. Il obtient l'Oscar du meilleur film documentaire en 2000. L'Afro-Cuban All-Stars se réunira la même année pour leur second album, Distincto, diferente.

'Compay Segundo'
'Compay Segundo'

Le Buena Vista Social Club fait découvrir au grand public plusieurs musiciens cubains dont Máximo Francisco 'Compay Segundo' Repilado Muñoz, Ibrahim Ferrer, Eliades Ochoa, Omara Portuondo Peláez, Rubén González Fontanills, Pío Leyva ou Manuel 'Puntillita' Licea Lamouth. Nombre d'entre eux ont la possibilité de signer des albums solo ou de collaborer avec toute sorte de stars internationales. La dénomination "Buena Vista Social Club" devient un sorte de "marque" qui abrite l'ensemble de leur production et concerts qui met à l'honneur la musique cubaine des années 1930 à 1950.

Ibrahim Ferrer
Ibrahim Ferrer

Les enregistrements de ces musiciens, pour la plupart des superabuerlos (super grand-pères), sont classés au rayon "Cuba" ou "musique du monde" mais souvent assimilés à la Salsa. Ils permettent de faire re-découvrir la musique cubaine qui est commercialisée comme "Salsa cubaine" pour le grand public. L'adjectif "cubaine" permet de la différencier de la Salsa new-yorkaise, en oubliant au passage que la musique cubaine représente le fondement de cette musique. Par extension, le Buena Vista Social Club aide à faire connaître la musique cubaine (la Timba en particulier) mais aussi la musique latino-américaine en général.

Omara Portuondo
Omara Portuondo

Il est intéressant de noter que les cubains ont du mal à comprendre pourquoi ces musiciens de la vieille génération obtiennent plus succès à l'étranger que les stars du moment comme la Charanga Habanera ou Manuel 'Manolín el médico de la Salsa' González Hernández. Le Buena Vista Social Club est demandé par tous les festivals. Juan Clímaco Formell Cortina fonde le Team Cuba qui rassemble toutes les stars de la nouvelle génération : Isaac Felipe Delgado Ramírez, Adalberto Álvarez, 'Manolín el médico de la Salsa', Pablo Alfonso 'Paulito FG' Fernández Gallo, José Luis 'el Tosco' Cortés, Manuel Perfecto 'Manolito' Simonet Pérez et David Calzado. L'objectif est de monter la supériorité de la musique actuelle sur celle passée et d'ancrer l'appelation Timba. Le premier concert se déroule à Varadero puis les suivants à Paris et à Hambourg. L'accueil du public est mitigé et le projet de disque live est abandonné. À Cuba, le terme "Salsa" ne fut pendant longtemps que peu utilisé.

Eliades Ochoa
Eliades Ochoa

Les échanges entre Cuba et les USA vont timidement reprendre, notamment avec Miami où Isaac Delgado, 'Manolín' et NG la Banda s'y produisent en 1998.

Au début des années 2000, plusieurs groupes relancent la Salsa Dura des années 1980. L'un des plus fameux est le groupe colombien Orquesta La 33. Ils se distinguent par une musique de très bonne facture. Leur tube majeur est une reprise de "La panthère rose" baptisé "Pantera Mambo" (2004). On peut également citer le tromboniste américain Jimmy 'El Trombon Criollo' Bosch qui a accompagné de nombreuses stars avant de se lancer en solo en 1996.

La 33
La 33

La Salsa doit tout de même faire face à la Latin Pop qui continue de produire des tubes comme "La camisa negra" du chanteur colombien Juan Esteban 'Juanes' Aristizábal Vásquez mais aussi au Rap Latino représenté par Armando Christian 'Pitbull' Pérez, au Hip-Hop Latino symbolisé par le groupe cubain Orishas et au Reggaetón mis en avant par Ramón Luis 'Daddy Yankee' Ayala Rodriguez.

La Salsa new-yorkaise :

  • "Mi gente" (1973) par Héctor 'Lavoe' - Salsa new-yorkaise
  • "El ratón" (1974) par 'Cheo' Feliciano - Salsa new-yorkaise
  • "Llorarás" (1975) par 'Oscar D'León' - Salsa
  • "Periódico de ayer" (1976) par Héctor 'Lavoe' - Salsa new-yorkaise
  • "Juan Pachanga" (1977) par Rubén Blades - Salsa new-yorkaise
  • "Pedro Navaja" (1978) par Rubén Blades - Salsa new-yorkaise
  • "El cantante" (1978) par Héctor 'Lavoe' - Salsa new-yorkaise

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