Le Boogalú

Le Boogalú, Boogalu, Boogaloo, Bugaloo, Latin Soul ou Latin R&B est né en 1966 à New-York de la fusion entre la Soul et le Rhythm'n Blues avec le Mambo et le Son Montuno.

La naissance du Boogalú

En tant que voisins ou collègues de travail, les Afro-Américains et les Portoricains participaient aux mêmes soirées depuis de nombreuses années. Ils se retrouvaient également dans les mêmes clubs où des groupes Noirs et Latins se partageaient l'affiche. Depuis la révolution musicale des années 1940, quand les géants comme Mario Bauzá, 'Machito' et Dizzy Gillespie joignirent leurs efforts et créèrent le Cubop et le Jazz Afrocubain, les deux cultures s'étaient plus que jamais rapprochées.

Cependant, bien qu'appréciant les styles latins, les Afro-Américains étaient attachés à leur Blues, R&B, Doo-Wop ou Jump-Blues. Quand, vers le milieu des années 1960, la musique Soul fait rage, les groupes latins se voient contraints d'introduire la culture musicale afro-américaine dans leurs spectacles pour attirer le public noir sur les pistes de danse. En mélangeant les musiques latines importées de Cuba et de Porto-Rico que l'on retrouve dans le Spanish Harlem surnommé "El barrio" et le R&B et la Soul du quartier voisin de Harlem, les groupes donnent naissance à ce qui sera appelé quelques années plus tard le Boogalú, pont musical entre la culture des Afro-Américains et celle des Cubains et Porto-Ricains.

Les prémices du Boogalú se retrouvent déjà dans la composition "El watusi" (1962) de Ray Barretto ou la reprise de "Watermelon man" (1963) par Ramón 'Mongo' Santamaría Rodríguez. Dans ce dernier, on trouve déjà l'atmosphère spontanée du Boogalú : grognements, cris, rires, bruits d'animaux, applaudissements... La rythmique bien latine avec timbales, cloches et güiro soutient des cuivres jazzy.

Le boom du Boogalú

Le Boogalú attire le public grâce au titre "El pito" (1965) de Gilberto 'Joe Cuba' Calderon, version latine de "I'll never go back to Georgia", mais surtout grâce à "Bang bang" (1966), écrit par le chanteur Jaime 'Jimmy' Sabater. Ce titre vendu à 1 million de copies deviendra un immense succès et lancera la mode du Boogalú. Il fut interprété, pour la première fois, dans la salle de danse Palm Gardens Ballroom par l'orchestre de 'Joe Cuba'. La même année, Pete Rodríguez signe lui aussi un hit avec "I like it like that" et Johnny Colón avec "Boogaloo blues" (1966). La popularité du Boogalú est fulgurante, d'autant plus que le Palladium Ballroom, temple du Mambo, ferme définitivement en 1966. Selon divers musiciens, le terme Boogalú fut donné par Ricardo 'Richie' Ray et Bobby Cruz en 1966. L'année suivante, 'Richie' Ray édite un album nommé Jala Jala y Boogaloo avec notamment le morceau "Colombia's Boogaloo". Le titre "At the party" d'Héctor Rivera, enregistré en 1967, est également un des succès du Boogalú.

'Joe Cuba', joueur de congas, devient l'ambassadeur du Boogalú. Il obtient une notoriété nationale et internationale et côtoie les plus grandes stars de l'époque (The supremes, The temptations, Marvin Gaye, James Brown, Les drifters...) lors de ses tournées. Son succès attire de nombreux artistes. La plupart sont des groupes de jeunes musiciens peu expérimentés, influencés par les Beatles, comme The Lebrón brothers, The latin souls, Pucho and his soul brothers, Joe Bataan ou le New Swing Sextet. Des stars naissent comme Joey Pastrana, Ralfie Pagán ou Fernando 'King Nando' Rivera (qui fascine le public durant l'été 1967 avec "Fortuna") et des groupes sont rapidement formés pour l'occasion comme The lat-teens, The hi-latins ou The latin-aires. Ils deviennent star d'un jour, occupent le haut de l'affiche, vendent un grand nombre de disques, sont invités par les radios les plus en vogue mais bouleversent la popularité des orchestres déjà bien établis. Parmi eux, certains adoptent de suite le Boogalú comme Pedro 'Pete Terrace' Gutierrez, Pete Rodríguez, Héctor Rivera ou 'Richie' Ray.

'Joe Cuba'
'Joe Cuba'

Soudainement mis sur la touche, des artistes comme Ernesto Antonio 'Tito' Puente Jr, Eddie Palmieri, Pablo 'Tito' Rodríguez Lozada, Dámaso Pérez Prado ou Carlos Manuel 'Charlie' Palmieri se retrouvent en difficulté. La pression du Boogalú est tellement forte qu'ils ne peuvent pourtant pas éviter d'en enregistrer quelques morceaux : Eddie Palmieri signe "!Ay que rico!" (1968), 'Charlie' Palmieri "Latin Bugalu" (1968) et 'Tito' Puente "Hit the bongo" (1970). Cela ne les empêche pas de dénoncer l'amateurisme et la banalité du Boogalú. Par exemple, Eddie Palmieri le qualifie de "chewing-gum latin" et dit du titre "Bang Bang" : "Qu'est-ce que c'est ? C'est ce que tu trouves en cadeau dans les boîtes de corn flakes. De plus, la moitié de ces musiciens ne savent même pas dans quel sens il faut tenir les instruments" ou 'Tito' Puente dira de "Boogaloo blues" qu'il sonne comme "une publicité pour Coca-Cola". Ce jugement musical est partagé par beaucoup, même par ceux qui sont associés au Boogalú.

Bien qu'ayant eu un succès très rapide, le Boogalú disparaît à la toute fin des années 1960 avec ses variantes comme le Shing-A-Ling ou le Jala Jala. L'une des raisons est la montée en puissance de la Salsa dont il est un des précurseurs. Certains indiquent aussi que les groupes de musiques latines bien établis auraient fait pression sur les agents musicaux pour écourter les jours de ce Boogalú trop envahissant. Enfin, 'King Nando' explique que, bien que le Boogalú attirait les foules, les musiciens ne gagnaient que de petits contrats qui les amenait une heure d'un côté de la ville, une heure à l'opposé... Quand les musiciens décidèrent de s'unir pour ne plus accepter ces contrats, les disques ne passèrent plus à la radio. Sans le citer, 'King Nando' fait référence à l'Alpha Artists fondée par José Curbelo en 1959. Avant sa création, les musiciens n'avaient pour choix que d'accepter les propositions financières des directeurs de clubs ou ne pas jouer. En peu de temps, José Curbelo devient le promoteur des artistes latins les plus réputés comme Eddie Palmieri, 'Tito' Puente, Francisco Raúl 'Franck Machito' Gutiérrez Grillo de Ayala, Pablo Tito Rodríguez Lozada, Ray Barretto, Norosbaldo 'Noro' Morales, Vicente 'Vicentico' Valdés Valdés... Le rapport de force avec les dirigeants de clubs changent et ils doivent se plier aux conditions négociées par José Curbelo qui obtient de confortables cachés pour ses artistes. Quand le Boogalú prend de l'importance, Alpha Artists signe divers artistes de ce courant musical comme 'Richie' Ray. Mais rapidement, ils se rebellent et décident de quitter José Curbelo qui les paye moins que des artistes bien établis. À la fin de l'année 1969, plus aucun Boogalú ne passe sur les radios latines new-yorkaises.

Durant l'heure de gloire du Boogalú, 'Joe Cuba' donna un spectacle à l'hôtel Flamboyan de Porto Rico. Il y rencontre un grand triomphe. Le Boogalú se répandit à Porto Rico où il est notamment repris par le Gran Combo qui signe par exemple "Gran Combo's Boogaloo" (1967). Le Boogalú atteint également le Pérou, la Colombie ou le Panamá. Aujourd'hui, quelques conjuntos colombiens ont remis le Boogalú au goût du jour (La Sonora Carruseles, Fruko y sus Tesos, Grupo Galé...).

Caractéristiques

Le Boogalú se caractérise par une ambiance festive avec des applaudissements, des cris, des rires, des bruits divers... C'est une musique pour faire la fête et danser (il reflète sûrement le vent de liberté insufflé par la contre-culture des années 60 avec son mouvement hippie, son flower power et sa libération sexuelle) afin d'oublier la violence et la misère des quartiers hispanophones de New-York. Les paroles en espagnol se mêlent aux chants en anglais et inversement. Les chanteurs interpellent directement la foule afro-latino-américaine pour l'exhorter à prendre part à la fête. Les textes sont très simples et s'effacent au profit de l'énergie de doit dégager le morceau.

Les percussions latines maintiennent un rythme qui varie assez peu sauf pour des breaks très marqués. Le piano répète sans cesse, de manière entêtante, une phrase mélodique au rythme soutenu. L'ensemble produit une rythmique répétitive et facile à comprendre. Les cuivres sont jazzy, Soul et même Funk.

Le Boogalú a permis la mise en valeur du vibraphone employé aux côtés du piano. Bien que Callen 'Cal' Radcliffe Tjader Jr. ou 'Tito' Puente en soient les grandes figures de l'époque, ce fut le sextet de 'Joe Cuba' qui le popularisa en lui donnant une place prédominante.

Vibraphone
Vibraphone

Quelques morceaux ont marqué l'histoire du Boogalú :

  • "El pito" (1965) de Gilberto 'Joe Cuba' Calderon ;
  • "Bang bang" (1966) de par Jaime 'Jimmy' Sabater ;
  • "Pete's Boogalu" (1966) de Tony Pabón en hommage à Pete Rodríguez ;
  • "I like it like that" (1966) de Pete Rodríguez ;
  • "Boogaloo blues" (1966) de Johnny Colón ;
  • "At the party" (1967) d'Héctor Rivera ;
  • "Micaela" (1967) de Pete Rodríguez ;
  • "Bien Dulce" (1967) de Joey Pastrana ;
  • "Use it before you lose it" (1967) de 'Bobby' Valentín ;
  • "!Ay que rico!" (1968) d'Eddie Palmieri ;
  • "Let's Boogaloo" (1968) de Willie Rosario ;
  • "Boogaloo con Soul" de Ray Barretto ;
  • "Boogaloo mania" par Celio Adán González Ascencio.

Boogalú :

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